Télécharger Chapitre 2 Image de Chapitre 2
  • Twitter
  • Facebook
  • Snapchat
  • Instagram
  • Medium

Chapitre 2

« Les songes sont les sourires de l’esprit humain. »

 

Au nord de Pontdarcolen, il existait une avenue marchande, la plus pathétique de GlânCity. Les édifices se déployaient en un immense accordéon de pierres et de métaux sur une superficie de trois hectares, un parc artificiel où chacun avait son coin d’achats boulimiques. Cet espace jouissait d’une popularité assez intrigante. Cela s’expliquait facilement.

Les individus assez fortunés du quartier résidentiel et ceux du centre étaient à une demi-heure des lieux, à vol de Miselle. Les autres un peu plus loin, mais qu’importe, sur l’échiquier du commerce, les gens de la Plèbe et du commun n’étaient que des pions. La plupart des boutiques appartenaient aux deux catégories de personnes citées précédemment, qui ayant peu à peu supplanté les intérêts communs, avaient fait en sorte que les leurs prédominent, en acquérant tout cet espace à prix coûtant, suite à des manœuvres d’évictions déloyales.

La chaîne de magasins textiles « StylaCuir » accueillait une clientèle dynamique. Peut-être était-ce dû au charme de la patronne et de ses employées, qui avaient toutes une allure de majorettes. Alinor n’était pas à l’aise au milieu des jupes, des gris-gris des collants et des justaucorps filamenteux. C’était comme si toute la chair du monde jaillissait de leur corsage, et la patronne, madame Férine, n’échappait guère à l’outrage. C’était comme si trois vaches avaient élu domicile dans son soutien-gorge. Et des parfums entêtants embaumaient l’atmosphère, en couvrant sa propre odeur corporelle qui aurait fait crier tout un escadron de putois.

Alinor se fichait de tous ces appâts qu’on lui agitait sous les narines ; il était trop affamé, en cet instant.

Mélina, qui ne s’apercevait de rien, roulait des hanches, avec un air effronté face à madame Férine. Cette dernière la couvait d’un regard plus ténébreux que le fin fond d’une cage. Des bouquets de fleurs paradaient au milieu du satin, du velours et du cuir. C’était hors de prix. Tout.

Une paire de chaussettes valait quatre-vingt-dix Lines, des gants, le double, un carré de soie noir – nommé singulièrement gilet alors qu’il était fait d’une seule étoffe et d’un bouton, coûtait autant qu’une dizaine de sandwichs.

D’ailleurs, durant un instant, Alinor crut voir des apparitions fantomatiques de nourriture au milieu des rayonnages. Un filet de salive se nicha dans sa barbe comme la rosée du matin sur une feuille. Une vendeuse affriolante s’écarta brusquement, le rouge aux joues. Elle le jugeait dégoûtant et n’avait pas tort. Alinor s’interrogeait plus sur l’état de sa santé mentale – le gigot d’une broche de manteaux de cuir le fit saliver davantage.

— Il faut l’habiller en bad boy, lança Mélina à l’adresse de Férine, qui de l’autre côté de son comptoir la dévisageait toujours d’un air pincé.

Alinor essuya précipitamment sa bave, de retour de son agréable voyage en terre nourricière. Le chignon de la femme sévère oscillait légèrement sur son crâne rond et joufflu. Les pupilles fendues de ses traits bronzés révélaient de douteux nuages. Un orage couvait dans l’œil turquoise de Férine.

— Comment osez-vous amener ce pouilleux ici ?

Le sourire de Mélina s’élargit, un très mauvais signe. Elle glissa sa main dans sa jupe, peut-être à la recherche d’un couteau, à la place, elle dégaina une carte de crédit plaquée or. Du genre de celle qui miroitait sous l’œil brûlant d’Eos et attirait tous les voleurs et autres cupides des environs ; une autre preuve qu’elle ne craignait pas pour sa vie ou était complètement inconsciente.

— Ce pouilleux va prendre un bain. Et ce pouilleux va être vêtu par vos soins.

L’expression de Férine se métamorphosa aussitôt, comme si elle venait d’assister à l’arrivée d’un prince et d’une reine. D’un index boudiné, elle plaqua la carte sur son comptoir et héla ses employées. Alinor fut escorté de l’autre côté des allées d’essayages, au pied d’un escalier qui tournoyait vers un étage dont on ne soupçonnait pas l’existence.

Là, on lui indiqua une salle de bain coincée au milieu d’un carrefour de couloirs de moquettes. C’était comme un rêve. Il tourna la clef argentée dans la serrure et admira le jacuzzi où trois comme lui auraient pu se dépouiller de leur crasse. L’eau pure et chaude exhalait une vapeur délicieuse et parfumée.

Un long moment plus tard, quelqu’un toqua violemment, puis s’impatientant, ouvrit un panneau dérobé à droite de la porte verrouillée. Alinor dormait à moitié sur son nuage de vapeur, désormais propre comme un poupon.

— Sais-tu à combien me revient chaque minute durant laquelle tu te prélasses ? s’enquit une voix d’une douce violence.

Le rêve paisible d’Alinor s’acheva dans un coin du carrelage. Il y aperçut son reflet cauchemardesque, un bref instant, avant de recevoir quelques kilos de fringues sur le dos. Il perçut d’une oreille enfouie la voix de Mélina.

— Habille-toi vite, l’heure tourne. J’ai choisi pour toi, ajouta-t-elle déjà loin dans le couloir.

Une exquise précision qui fit soupirer un Alinor à moitié sonné. Des dés de crasse et autres friandises de saletés flottaient au milieu des bulles de savon, ce qui déplairait aux ménagères le soir même. Ces dernières en brailleraient tellement le lendemain que la description d’Alinor serait honnie sur trois étages. Et au-delà.

Tout le monde savait bien dans le quartier, qu’une ménagère avertie, en valait trois qui elles-mêmes en valaient dix. Et toutes les rumeurs s’accorderaient sur un point : les yeux du mendiant étaient démoniaques. Ce léger détail attirerait bien des mois plus tard l’attention d’un docteur légiste sauvage et d’un détraqué réputé infaillible.

 

L’Avenue Mar suivait une trajectoire des plus ignobles. Au lieu d’être droite comme ses contemporaines, elle serpentait de La Blanche au centre-ville sur plusieurs kilomètres de boursouflures excentriques. C’était comme si des centaines d’œdèmes avaient percé le dos blessé de la ville suite à un tremblement de terre viral. Le Flexholos garantissait l’équilibre des passants, sans pour autant dissimuler les imperfections du terrain.

Alinor n’avait aucune échappatoire.

Mélina la tordue le serrait de près, en épiant le moindre de ses mouvements. Suite au prix exorbitant de l’achat, n’importe qui aurait surveillé la marchandise. Le jeune homme avait l’impression qu’au moindre faux pas, il ressemblerait à une de ces peluches découpées aux ciseaux et aux couteaux. Le regard d’ange déchu de Mélina était plus brillant qu’une chaîne en diamant et pire qu’une bombe d’anti-gravité à retardement.

Alinor avait eu le déplaisir de voir ses anciennes frusques brûler dans un coin. Sa veste de cuir doublée pesait sur ses épaules, en les élargissant démesurément. Une ceinture cloutée lui martyrisait l’abdomen, un pantalon large de cow-boy frottait contre sa peau à la sensibilité exacerbée par ses ablutions récentes. Des bottes qui lui écrasaient les orteils complétaient sa tenue de vilain garçon.

À chacun de ses pas, les passants percevaient les cliquetis des chaînettes de sa ceinture et les bruissements élégants du cuir. Ses cheveux d’une noirceur d’abysse lui coulaient sur le front et les tempes, et par endroit sur son visage émacié, à la façon de petites langues d’encre avides.

Mélina Purlam n’escomptait pas lui payer le coiffeur. Elle lui fournit des élastiques, et l’aida d’une façon musclée à se faire une queue de cheval en rassemblant toutes ses mèches éparses. Elle en profita pour chasser les pouls et autres indésirables. Quelques touffes voltigèrent sur le passage des citadins médusés. Alinor se plaignait du traitement anti-pouls. Ses protestations n’atteignaient pas les oreilles de son interlocutrice fulminante. Autant discuter avec un ours en pleine séance de déchiquetage. Il fut soulagé lorsque l’opération fut terminée.

— Pourquoi m’as-tu pris ces vêtements ridicules ? Certains ne sont même pas à ma taille ! s’exclama Alinor, mal à l’aise.

— Ferme ton clapet de plaignant. J’ai très bon goût en matière de bad boy, figure-toi. Et n’oublie pas à qui tu dois ton entière fidélité et ta dignité.

— J’ai l’impression de porter une peau de bison sur le dos, ronchonna-t-il, exprès.

— Tes répliques m’affligent, Alinor. Et maintenant que j’y réfléchis, je n’ai pas besoin d’un parolier pour jouer ton rôle ; si je te fracasse la mâchoire, tu ne feras que grogner, ce sera parfait ! s’exclama-t-elle sans une once de pitié.

Alinor se tut. Dès qu’il découvrirait une ouverture, il filerait. Il avait changé d’avis, aider ou se venger d’une folle pareille reviendrait au même que sonner la cloche d’un asile.

— Tu manques de culture générale, ajouta-t-elle, le cuir ainsi traité te protégera des coups de couteau, absorbera les tirs de rayons et ralentira la torsion des balles avant qu’elles ne pénètrent dans ta chair.

— T’as vu ça dans quel film de superhéros ? maugréa Alinor, sarcastique.

— Tu ne crois vraiment en rien, Vilam ?

Le jeune homme contint un début d’irritation qui fit palpiter sa lèvre inférieure. Cette fille avait détruit sa jeunesse, et elle l’appelait par son nom de famille à nouveau, d’une voix horripilante !

— Je ne crois qu’en ce que je vois ou expérimente, au cycle de la nature et à ce qu’elle dévoile, tant au niveau atomique qu’à notre échelle…

Il se retint de prononcer son nom à elle. Plus jeune, elle croyait qu’il la défiait en le faisant, ce qui n’était pas bien éloigné de la réalité. Elle devenait alors violente. Elle était impulsive, ne contrôlait pas sa force et prenait tout le monde de haut.

— Un clochard scientifique, pathétique, t’as pas changé ; heureusement, je suis là, je te sauverai de ta faiblesse. Eh bien, moi, je crois en la puissance du corps et de l’esprit, rétorqua-t-elle sur un ton qui laissait comprendre que toute réplique serait perçue comme un affront.

Aux abords d’un parking, un kiosque vendait des journaux et des magazines à la mode en ce moment. Du coin de l’œil, Alinor lut le titre en gros et gras des titres.

« Réélection du Maire de GlânCity, Rémane Soldovor. »

Alinor avait sa majorité depuis trois ans, soit dix-sept à Létal, et toujours aucun vote à son actif. Il n’existait ni sur les listes électorales ni quelque part dans les registres du centre-ville. Comme si sa vie s’était achevée brutalement au lycée. Une nostalgie poignante s’empara de son esprit. C’était la faute de cette jeune femme hautaine.

Enfin, il le croyait dur comme fer et pourtant, il avait peut-être une part de responsabilité dans sa destinée, comme lui susurrait sournoisement la voix de la raison. Quoiqu’il en fût, il n’avait plus de hargne à faire valoir aujourd’hui. L’après-midi était bien avancé. À cette heure-là, d’habitude, il pillait les poubelles du Galine ou celles du Colisée, à la recherche de nourriture. Il ne se baladait pas le ventre plein, parfumé.

Plus loin, un hypermarché nommé Gonflan, en raison de son sigle de baudruche, s’élevait sur plusieurs étages de balcons en enfilade et en LightMétal. Un désert urbain l’environnait au point que son ombre recouvrait une partie de l’avenue Mar, pourtant large d’une bonne vingtaine de mètres.

Alinor n’y avait jamais mis les pieds. Les vigiles préservaient les poubelles pleines de denrées périmées des pillages depuis qu’une annonce très charitable du conseil régent de GlânCity était tombée et qui se résumait à : « Tout ce qui ne donne pas de liquides, doit couler à flots. » Autrement dit, ce qui ne paie pas, est inutile et doit être jeté, et sûrement pas offert, en vertu du pacte commercial en vigueur. Les citadins pourraient en effet se passer d’acheter, attendre la péremption et s’emparer du tout à très bas prix, voire gratuitement. L’économie s’effondrerait. Enfin, certaines enseignes s’associaient avec des associations luttant contre la pauvreté ; ces dernières parvenaient à redistribuer ces richesses alimentaires aux plus démunis.

En échange, les Enseignes comme Gonflan acquerraient une certaine notoriété et cela faisait de la pub. C’était un compromis des plus sophistiqués. De temps à autre, Alinor s’était restauré dans leurs locaux.

Un coup de coude de Mélina le fit sursauter.

— Ta première leçon en tant que vilain garçon : braque cette vieille dame ! lui ordonna-t-elle, en secouant son opulente chevelure.

Petite et ratatinée, la grand-mère marchait sans canne, à ce point forte qu’elle transportait deux sacs pleins à raz-bord d’aliments du quotidien. Alinor nota ces détails d’une seule observation. Et son intuition lui criait : « ne te fie pas aux apparences ! » C’était le genre de voix sincères et assourdies qu’on enfouissait dans son subconscient. Or le jeune homme avait appris à écouter ses intuitions en tant que clochard.

— Dis-toi que si tu ne le fais pas, tu mourras, l’encouragea Mélina, avec une expression à croquer, consciente de son hésitation.

« Diablesse, maudite diablesse ! » songea-t-il, sans savoir quoi faire.

Il s’élança, l’air tranquille, vers la vieille dame. Arrivé à son niveau et profitant qu’elle eut le dos tourné, il tendit la main vers son sac. Il pourrait toujours lui rendre un peu plus tard, en prétextant qu’une folle psychopathe l’obligeait à voler. Elle comprendrait.

À la dernière seconde, la femme aux abords de sa voiture cylindrique se retourna violemment. Un sac fleuri s’enfonça dans la joue d’Alinor. Une formidable envolée plus tard, un lampadaire l’arrêta, au point de lui couper le souffle.

Le ciel lui parut bien plus proche qu’avant, lorsqu’il l’admira. Mille trompettes fantomatiques retentissaient au milieu d’un groupe de chérubins qui entamaient une danse folklorique. Les portes du paradis s’entrouvrirent au milieu d’une fresque d’étoiles angéliques. Alinor s’en approchait, en flottant. Elles claquèrent brutalement. Alinor revint à lui sur Cîn, plus misérable que lors de son départ. Une silhouette vieille et bosselée le dominait.

— Tu croyais me braquer, petit fumier ! Hein ? hurla la vieille dame, qui ressemblait à un de ces zombies cauchemardesques aux muscles de boxeur.

Son visage bronzé était recouvert de légères failles dues à l’âge. Au sein de la clarté féerique de ses yeux d’azur, une intelligence retorse couvait. Elle avait l’allure d’une bohémienne, bien qu’elle fût vêtue d’anciennes robes éclatantes, et d’un turban qui maintenait ses rares cheveux gris de sel en place. Elle dégageait une aura de danger qui aurait fait trembler un tigre.

Alinor se traîna lamentablement au-delà de ses mains qui se tendaient comme des serres. Non loin de là, il aperçut l’entrée oblique de la gare du train souterrain. Il n’avait certes pas les idées claires, sinon il aurait choisi un meilleur mensonge.

— J’étais en retard, j’allais manquer mon train ! Je ne regardais pas devant moi et j’ai malencontreusement percuté votre sac !

— Ai-je l’air d’une prune ?

— Non, plutôt d’un vieux pruneau tout fripé, marmonna-t-il sans réfléchir à la finalité de son propos.

Les ailes d’un orage se déployèrent dans les prunelles de son interlocutrice. Elle lui parut bien plus gigantesque qu’elle ne l’était réellement, au point de faire barrage à la lumière.

— Oh, je vois, ainsi donc, vous souhaitez mourir. Je vais me charger de votre cas sans tarder, jeune homme, qu’importe que nous soyons en place publique, je vais vous apprendre quelques petites choses, dont le respect, déclara-t-elle avec une douceur onctueuse.

— Je m’excuse, par pitié, ça m’a échappé !

Une main fine se referma sur le poignet osseux de la grand-mère. Mélina se colla épaule contre épaule à la dame, qui la contempla d’un air funeste de médaillé mondial qui a découvert qu’un de ses trophées avait disparu de son étagère.

— Bonjour, grand-mère Améla, comment vas-tu ? s’enquit Mélina, amusée.

— Ah, bonjour Mélina. Que fais-tu avec cette brêle disgracieuse et impolie ?

Elles s’extasiaient comme des démones devant une âme succulente, tout en n’ayant d’yeux que l’une pour l’autre. Alinor, encore en état de choc, ne bougeait plus ; le danger était devenu double, comme sa vision, d’ailleurs. Son ahurissement lui faisait pencher la tête, comme si son cerveau était devenu trop lourd pour son crâne. Mélina continuait sa conversation nonchalante. Néanmoins, une certaine tension était palpable entre les deux Purlam.

— C’est moi qui lui ai demandé, lui révéla Mélina, onctueuse. Pourquoi ne l’as-tu pas tranché avec tes poignards ? Je voulais lui montrer que le cuir était résistant face aux armes blanches.

— Même armé, il ne représenterait pas une menace. Maintenant, Mélina, tu sais ce qui t’attend.

— Tout de suite ? Je pensais que nous discuterions davantage…

La portière claqua, Améla venait de glisser les sacs à l’arrière de son véhicule.

— J’ai appris ta défaite l’autre jour.

Son expression s’était durcie. Le sourire de Mélina s’élargit.

— Je suis prête.

— Tu es bien arrogante ; apparemment, tu n’as pas été assez punie.

— Je n’ai plus de compte à te rendre, je suis libre. Surtout que ma défaite a déjà été une punition bien assez cuisante.

— Qu’il en soit ainsi.

Les passants assistèrent à une prodigieuse bataille. Les rares impétueux prirent des photos à l’aide de petits appareils qui ressemblaient à des longues vues de pirates. Tour à tour, pieds et paumes se heurtèrent dans un petit périmètre entre les deux combattantes.

Puis le combat prit de l’ampleur, lorsque d’un bond, Mélina se réfugia sur le toit de la voiture, qui tressauta sous l’impact de la grand-mère qui la suivit. Elles s’affrontèrent à grand renfort de techniques, sans une once d’hésitations, portant des bottes et des coups qui auraient foudroyé n’importe quel amateur ou néophyte.

Le tourbillon de leurs gestes causait des remous dans les airs qui ondoyaient sous l’influence d’une force invisible. Les êtres comme Mélina la nommaient l’aura, cette façon qu’avait l’âme de quitter le corps dans l’instant et de le réintégrer avec la vélocité d’un aigle, en accroissant les forces physiques et spirituelles du corps.

Cette danse martiale sensationnelle dura peu de temps en comparaison de l’énergie que mirent des deux femmes dans leurs mouvements. Bientôt elles achevèrent leur assaut par un formidable martèlement de coups qui fit gîter la voiture comme si elle était en pleine tempête.

Dos à dos, elles se retournèrent d’un même élan et s’adressèrent un sourire resplendissant. Mélina haletait. Elle ne prenait pas soin d’elle depuis quelques semaines. Sa grand-mère, bien qu’essoufflée par l’âge, semblait être encore en forme.

— Tu t’es bien battue, Mélina, je te couvrirai pour aujourd’hui. La prochaine fois, je ne serai peut-être pas aussi conciliante… Tes parents sont fous de rage depuis ta fugue.

La jeune femme s’inclina, un pied devant l’autre, comme il était d’usage dans la haute société.

— Merci, grand-mère.

Aux alentours, les gens s’étaient tenus à l’écart. Les duels n’étaient pas inhabituels dans GlânCity, et la plupart du temps, ils se terminaient d’une façon bien plus sanglante. Par chance, ni Mélina ni sa grand-mère n’avait eu envie d’en découdre pour de vrai.

— Ah oui, l’agneau déguisé en vilain bouc a pris la fuite, pendant que nous nous battions, il est parti par là !

Mélina mit sa main en visière. Elle distingua la silhouette frêle d’Alinor qui se faufilait dans une ruelle.

— Ah celui-là, il s’oppose bien trop à mes volontés.

— Porte-toi bien Mélina et ne sois pas obtuse ; tu seras toujours bienvenue au Mont Glam, au sein de ton foyer. Et discipline ce garçon, il est faible, qu’il reste à sa place, ajouta-t-elle sans perdre son sourire malin.

— L’avenir nous le dira. Après tout, il a cette étincelle dans le regard… Au revoir, grand-mère, ajouta-t-elle précipitamment.

Elle ne l’entendit pas chuchoter d’une voix nostalgique et rêveuse :

— Les rêveurs déterminés à changer le monde, sans en avoir les moyens, sont les pires. J’espère que tu ne te noieras pas dans cette étincelle, jeune fille. Bien que je te le souhaite, cela te ferait grandir. La force ne fait pas tout en ce monde.

* * *

Un Hubercule aux feuilles bleues craquait face au vent. Il en extrayait les principales souillures. Ces craquements se mêlaient aux pépiements des Miselles, une race hybride de colibris et de pies, sans doute un croisement réalisé en des temps plus obscurs par des fanatiques du culte des cieux.

Selon leurs doctrines, tout ce qui volait était digne d’être vénéré et le dieu qui régnait sur le monde était l’Air, le principe primordial de l’existence. Ces croyances farfelues n’étaient pas les seules nées lors de la déchéance des anciennes religions monothéistes et guère les plus tordues ou sournoises. Actuellement, le culte d’Oedaimonia avait une grande part de responsabilité dans la mollesse intellectuelle de la population, en prônant l’élévation de la joie sous toutes ses formes, même les plus cruelles.

Alinor traversait le parc de Gilum au milieu d’un défilé d’Oedaimonia. Il se faufilait entre des voiles vaporeux, des parfums adipeux et des personnages hauts en couleur, qui fumaient des trucs pas très nets et en arrosaient la compagnie. Alinor retint sa respiration, en évitant le plus possible ces nuages de toxines qui répandent le bonheur sur Cîn.

Tout ce beau monde était heureux, en apparence, ils revendiquaient aussi leur appartenance au courant de pensée du siècle : le bonheur en toutes circonstances et son partage sous toutes les formes possibles et inimaginables. C’était en soi prodigieusement optimiste et d’une beauté radieuse. Dans la pratique, le bonheur prôné était l’équivalent d’une viscosité secrétée par une limace : il s’évaporait vite et tuait.

De l’autre côté de cette procession aux pensées confuses, Alinor contourna une statue représentant un cupidon rose, avec des pompons et des ballerines, une autre allégorie du serviteur de la gaieté. Le culte d’Oedaimonia se pratiquait en plein air ou dans des palais radieux et rassemblait plusieurs millions d’adeptes à travers Létal.

Le jeune homme les côtoyait rarement. Ainsi, il ne remarqua pas les brusques écarts que firent certains de ces fidèles à son approche. Son regard fixé sur le portail vert criard et en arcade, qu’il devinait au-delà d’un bosquet de poiriers, il avait l’expression tortueuse d’un psychopathe en maraude. Un tic agitait en plus son œil gauche, celui qui lui valait quelques carambolages en ville. Alinor n’avait pas une bonne vue, les lentilles et lunettes étant hors de prix d’un clochard, il faisait avec ce handicap depuis son départ de chez ses pauvres parents. Un autre souvenir triste qui lui donna un rictus terrible et fit faire un grand écart à une jeune fille à l’esprit nébuleux qui titubait comme une ivrogne.

Les expressions du jeune homme étaient rarement interprétées avec justesse par ses semblables. C’était dû au fait qu’elles n’entraient pas dans les cases ou les normes, la faute à ses prunelles fendues de démon. Et aussi à son apparence de vilain garçon asociale.

Plus loin, il déboucha sur une rue tranquille, qui portait le doux nom « extermination ». D’anciennes bâtisses à colonnades s’élevaient sur plusieurs étages de balcons et de statues angéliques défigurées par les indigents qui vivaient là.

C’était d’anciens lieux de culte recyclés en logements par des groupes peu scrupuleux qui les avaient acquis d’une façon légitimement discutable. La rue donnait plus bas sur la fameuse avenue Flag qui tranchait en deux la ville côté est. En suivant une enfilade de vieilles ruelles surmontées de passages suspendus et par endroit friables, on y parvenait, à condition de connaître les rouages et les pièges de la ville. Nombre de ruelles s’achevaient sur des culs-de-sac propices au vol à la tire et autres menus crimes.

En empruntant un de ces corridors éclairés par de minces rayons d’Eos, Alinor adopta une démarche plus mesurée. Il devait avoir semé Mélina ! Les failles bleues du ciel étaient visibles au-delà des bâtiments lugubres.

« Et si je rentrais à la maison ? » songea-t-il, plein d’espoir.

Une pensée aussi positive présageait une désillusion fatale. Et Alinor le sentait, il ne serait pas bien accueilli.

« Non, je ne serais qu’un poids d’argent pour eux. En plus, après qu’ils m’aient mis dehors aussi violemment… Mince, j’étais leur fils, non, pas un étranger ! » songea-t-il avec colère.

Un groupe d’hommes barbus à la mine grise approchaient de ce pas qu’adoptent les fanatiques de tout poil qui sévissaient à travers Létal. Le poids en muscle de l’un d’eux équivalait celui d’une vache en maraude. Et il en avait la mâchoire carrée, quoique son menton proéminent gâchât un peu l’effet de style bad boy. Alinor leur jeta l’ombre d’un coup d’œil. Peut-être son pessimisme soudain était-il dû à leur accoutrement sombre et leur allure de gangster ?

En arrière, la silhouette agile de Mélina le suivait à l’allure d’un guépard derrière une gazelle. Elle se glissa dans un coin de porte, sans un bruit, à l’affût.

L’aspect d’Alinor, son regard de faux tueur, eut un effet négatif sur le groupe qu’il croisa, comme c’est de coutume lorsque deux troupeaux se croisent au même point d’eau. L’un des hommes eut un mouvement de recul peu gracieux, qui arracha un rire goguenard à son chef. Ce dernier lança un avertissement sonore.

— L’insecte, ne me regarde pas de cette manière ou je te ferai rôtir !

Perdu dans ses pensées, Alinor passa son chemin, en traînant les pieds. De plus en plus sombre, il pensait qu’il devrait quitter GlânCity, s’attacher à un rocher et se jeter au fond d’un lac. Ou alors, tenter de vivre en ermite au bout du monde, avec une lance, comme dans le temps, et un balluchon de vieilles pommes. L’un des hommes, celui qui avait été effrayé, lui serra l’épaule.

— Pour qui te prends-tu ? Ignores-tu donc qui nous sommes, petit vaurien ?

Alinor observa l’énergumène d’un air démoniaque.

— T’es bien hautain ! s’exclama un autre, excédé.

— Allez susurrer vos menaces à vos cireurs de pompes ! Ma vie est bien assez minable comme ça !

— Alors, laisse-moi t’en déposséder, fit le chef avec un rictus avide.

Alinor ne comprenait pas. D’habitude, de la même façon qu’une fiente de pigeon, il passait inaperçu. Or ces types ne plaisantaient pas et le contemplaient tous d’une expression d’hommes des cavernes.

« Ce sont ces habits, ces maudits habits ! Cette démone aura-t-elle donc ma peau ? »

— Dans le milieu, on m’appelle Paine, continua l’autre en tirant un couteau dissimulé dans son manteau.

La lame en semblait interminable. Alinor analysa la situation et la trouva plus catastrophique qu’avant. Le poignard était en titane, ce n’était pas celui qu’un truand pouvait s’offrir sans appui solide.

À sa connaissance, seuls les gens de la haute avaient une chance de posséder pareil objet. Le métal n’était pas rare sur Cîn, si bien qu’ils étaient exploités dans toutes les constructions, surtout celles des tours du centre-ville qui se frottaient aux nuages.

Sa paralysie fut interprétée comme un geste de bravoure, alors qu’Alinor ne songeait qu’à s’enfuir. Paine rengaina son vieux couteau dans son étui :

Putain, ce mec a du cran. On le menace avec un couteau et il ne cille même pas. Et ces yeux, ils m’effraient…

— C’est bon, je n’ai pas de temps à perdre avec cet avorton.

Les autres haussèrent les épaules et reprirent leur chemin.

Punaise, je sens son regard sur moi…

— Allez, on accélère le mouvement !

« Que s’est-il passé ? Aurais-je effrayé ces types ? » s’interrogea Alinor, atterré.

Cette perplexité se changea en euphorie revancharde.

— Bande de petits rats, vous reconnaissez enfin votre maître, murmura-t-il, une fois qu’ils eurent disparu dans une ruelle adjacente.

— Voilà qui est mieux !

Mélina bondit hors de son encadrement de porte comme une enfant joyeuse. La satisfaction la faisait resplendir davantage.

Durant un instant très embarrassant, Alinor s’imagina quel effet cela pourrait-il avoir d’enlacer un corps pareil. Ces jambes étaient interminables, et ses vêtements excentriques assez moulants. Mélina savait se mettre en valeur. Elle avait cet effet sur tous les hommes malheureusement !

Un parfum sauvage lui titillait les narines, à moins que ce ne fût celui de la transpiration. Il en perdit de sa rougeur et de sa superbe, du coup, et il ne vit plus qu’une jeune femme les mains dans le dos, qui l’observait par en dessous d’un air amusé. Autant qu’on pût l’être lorsqu’on portait le nom de Mélina Purlam. D’après l’expérience d’Alinor, ce n’était pas une famille de rigolo : la grand-mère était un monstre, la petite fille une reine démone et les parents, le jeune homme n’osait même pas les encadrer dans son imagination.

— Je t’ai manqué, on dirait, marmonna-t-il, sarcastique.

— Es-tu donc si bête, Alinôr ? À qui pourrais-tu manquer ? Aux chiens ? Tu as bien fait fuir ces hommes. Tu viens de jouer ton rôle.

Un tel cassage avait de quoi déchausser des dents.

— Mon rôle ? répéta-t-il, dépité.

— Pourquoi crois-tu que je t’ai acheté ces vêtements ? persifla-t-elle, irritée.

Elle referma sa petite main à la poigne de fer sur son col et le fit descendre à sa hauteur, tout juste sept centimètres en dessous.

— Tu as une apparence de démon, c’est ta seule qualité ! Elle sera ton bouclier contre les brutes de ce monde. Imagine que tu joues ce rôle, comme tu l’as fait, il y a peu, et tu n’auras rien à craindre du pire des malfrats. La règle numéro un, c’est de ne jamais montrer le moindre signe de faiblesse. Je vais t’apprendre.

Son index s’enfonça dans sa joue émaciée. En même temps, elle avançait, en forçant le jeune homme à reculer, parfois, elle le tirait.

— Et surtout, surtout, ne baisse pas le regard.

Elle lui fit redresser le menton, les épaules, le bourra par endroit.

— Tu te tiens droit. Non, ne baisse pas la tête, tu me fixes.

Elle lui remit la tête droite, en lui faisant profiter de la fraîcheur de ses paumes.

— Voilà, comme ça et les épaules dénouées, comme si tu ne craignais rien ni personne. Et lorsque tu marches, ajouta-t-elle en lui prenant les poignets, fais en sorte que tes mains oscillent d’avant en arrière et que tes doigts se délient, comme si tu avais l’attention d’assener un coup à quelqu’un. Et lorsqu’un type t’approche, relâche tes muscles, arrête-toi, puis surveille-le, avant de reprendre ta marche. On va s’entraîner.

— Tu es bien familière avec moi… Et si je n’ai pas envie d’entrer dans ce monde dangereux, vas-tu me trucider ?

Elle le lâcha avec une expression de sainte qui fit frémir Alinor.

— Tu m’as donné ta parole. Si tu ne la tiens pas, tu vaudras moins que n’importe quel homme.

— Et cette nuit à l’abri du besoin, alors ?

— Tu m’as mal comprise. Je t’ai promis un bain, tu l’as eu et des repas chauds, tu les auras. Pour le reste, tu te débrouilleras. Un vilain garçon ne doit certes pas puer, mais pas non plus être parfumé à l’excès. Il se doit de dégager une flagrance virile aussi forte que les autres mâles, sinon davantage, histoire de marquer son territoire.

— As-tu lu ça dans un documentaire sur les animaux de la savane ?

— Oui, j’ai d’ailleurs adoré le passage sur le cimetière des éléphants-rhino. J’imaginais y enterrer nombre de braconniers. C’est d’ailleurs un cimetière où j’envisage de t’envoyer pour ton manque de respect. N’oublie pas où est ta place ou il t’en cuira !

— À la broche ou au four ? s’enquit-il sur un ton badin.

Un craquement sec retentit, celui d’un petit doigt.

* * *

Au sud de GlânCity, au milieu du district de la Plèbe, une tour en BlackMetal vibrait, en tournant sur sa base. Elle cherchait la lumière des deux astres qui pointaient dans la nuit. L’un était d’un rose pâle évoquant une rose de Vérone, ville aux combien florissantes du sud du continent. L’autre tirait sur le bleu glacial des territoires du nord, celui d’un cristal de neige qui ne fondait jamais. Toutes les deux se pourchassaient au-delà des nuages lors d’une ronde sans fin.

Les cœurs romantiques les nommaient les Enfantes du Monde, ces mêmes cœurs qui mourraient la bouche ouverte sur une prière inutile ou qui tendaient leur gorge sous les couteaux. Sinsam n’aimait pas les lâches et les faibles, et pourtant, il les admirait dans leurs sottises de croyance et leurs crédulités. Détruire l’innocence de quelqu’un était un acte de pure compassion dans un pays de corruption et où le cadre primait sur l’individu. Ainsi ce dernier devenait-il plus fort ! Ne serait-il pas odieux de laisser un humain en proie aux rêves et aux idéaux ? La réalité ne s’en embarrassait pas, elle était impitoyable.

Et Sinsam était à son effigie. Une seule voie était possible en ce monde.

Son fauteuil au dossier allongé et d’un blanc livide, était couronné de guirlandes en or, un métal si rare que des miniers s’échinaient durant des décennies à en dénicher un milligramme dans les terres du sud. Et dire que certains avaient fait de l’esclavage quelque chose de légal ! Tout cela était fascinant ! À quoi bon tenir le fouet, lorsque d’un simple mot, on pouvait faire ployer le genou à n’importe quel individu ?

La violence inutile était une perte de temps. L’endoctrinement était plus ingénieux. Se servir du sens du devoir d’autrui ou de leurs bons sentiments, permettaient de maintenir ne société sous sa coupe.

—Tendez de l’herbe à une brebis et d’autres viennent. Une fois toutes les brebis dans votre pré, prenez-en soin, laissez-les se jalouser, tenez-les par l’herbe bien tendre. Et lorsque vient l’automne, puis l’hiver, offrez-leur une sépulture décente, puis changez de pâturage, récita Sinsam d’une voix rauque. Ah, père, vous aviez un humour des plus extatiques, un mépris évident pour les humains et votre fils. Vous ne l’avez pas emporté dans votre tombe, m’ayant éduqué ainsi…

Une main robuste leva un verre en cristal dans les lueurs de Flore et de Zephyr, qui la nimbaient d’une flamme violette en mélangeant leurs éclats. Dans les mythes antiques de Cîn, les lunes symbolisaient l’union pure d’un homme et une femme. Les mariages étaient célébrés la nuit, de préférence au sommet d’une montagne, un endroit proche du ciel. Suite à une cérémonie complexe, les deux amants devaient croiser leurs bagues au-dessus de leur coupe de façon à récolter le pouvoir des deux astres.

Ah, l’amour était bien une invention de poète et d’imbécile, surtout la puissance qu’il était censé apporter aux mortels. À une certaine époque, il existait même des Sorcelens, des êtres humains qui avaient eu l’audace de se faire vénérer par la population. Jusqu’au jour où ils avaient été traqués et réduits à l’état d’ossements par ceux-là même qu’ils dominaient, même si les textes historiques n’étaient pas très clairs sur ce point.

Selon certains historiens, bizarrement plus de ce monde, les véritables Sorcelens n’étaient pas morts. Un jour, tout comme Sinsam et ses associés, ils s’étaient tenus au-dessus du commun des mortels. Leur condamnation devait servir d’avertissements et de leçons aux générations futures de puissants. Plus l’homme s’élève, plus longue sera sa chute. Et le meilleur moyen pour garder sa tête, c’était de créer un équilibre, une sorte de justice artificielle, de contrôler les foules, en exacerbant certains de leurs sentiments à des moments propices et en prohibant leurs associations.

Le verre disparut. Un individu vêtu de noir, le principal serviteur de Sinsam, le lui remplit à nouveau.

— Combien d’hommes ?

La glotte de son interlocuteur, un de ses sous-fifres sans identité, se contorsionna sous sa chair. Il était en plein dilemme, surtout qu’il avait seulement face à lui le dossier du fauteuil.

— Quatre-vingt-dix.

— Une jeune garce a envoyé au tapis quatre-vingt-dix de nos hommes. Voilà qui est fâcheux. Ressemblerait-elle à un de ces démons cornus qui peuplent les légendes des Sorcelens ? fit Sinsam d’une voix doucereuse.

— Nous l’ignorons. Nous savons juste qu’elle est blonde et belle et qu’elle meurt d’envie de rencontrer votre sublime…

— Je n’invite pas les démons dans ma demeure, le coupa impitoyablement Sinsam, je les tus. Et actuellement, je meurs d’envie de voir sa tête en trophée, suspendue et empaillée sur ma vieille armoire familiale. Celle qui porte mon blason, les quatre cercles du pouvoir, voyez-vous où je veux en venir G.

Tous les agents au service de Sinsam, les plus compétents, recevaient une lettre de l’alphabet en rapport avec leurs talents. G était un bon espion, un comédien compétent et avait le don de se fondre dans le décor. Au combat, à part les coups de poignard dans le dos, il n’y connaissait rien.

— Mon meilleur espion et informateur, c’est-à-dire vous, n’a pas été capable d’obtenir ne serait-ce que le misérable prénom de cette garce. Je vous conseille donc de créer une affiche, mon brave.

— Une affiche ? répéta G, stupéfait.

— Il en faudra bien une, puisque vous avez été incapable de rapporter une photo et que les hommes que vous avez envoyés, ont tous été mis hors d’état de nuire. Faites dessiner, peindre son portrait, qu’importe tant que c’est à vos frais. Puis envoyez son signalement aux chasseurs de prime. Dois-je aussi vous décrire tout le boulot ou avez-vous un cerveau, G ?

— Je m’en charge sur-le-champ.

Il salua. Sinsam en rajouta une couche de sa voix doucereuse.

— Et qu’on ne me dérange plus au sujet de cette démone, sauf pour m’apporter sa tête.

— Il en sera fait selon votre désir.

— Tant mieux, car une tête en vaut bien une autre, G.

La porte se referma avec une douceur tremblante. G avait bien saisi le message implicite. S’il n’accomplissait pas sa mission, sa tête finirait au clou.

Sinsam ne tuait pas ses hommes, sauf s’il avait une preuve de leur trahison. Il avait juste appris qu’une bonne dose de terreur donnait des ailes à certaines personnes, comme ce pauvre G. Il termina ainsi sa coupe, toujours dissimulé dans son fauteuil.

— Un nouveau verre, Dandalion, dit-il à l’adresse du serviteur.

— Comme vous le désirez, répondit l’autre d’une voix sépulcrale.

Les Sorcelens Alinor et Mélina les chasseurs de primes - science-fantasy
G.N.Paradis - 9791091854498

  • Retour à l'accueil
  • Prologue !
  • Chapitre 1
  • Chapitre 2
  • Chapitre 3
  • Bon de commande
  • Newsletter - s'abonner
  • Contact

Résumé du Livre

Lorsqu'Alinor Vilam, va-nu-pieds de son fait, revoit Mélina Purlam, l'ancienne terreur de son lycée, il se croit dans un cauchemar. Mais contre toute attente, celle que tout le monde surnommait la Démone, lui propose un pacte : intégrer la Plèbe, l'organisation criminelle de Glân-City et escroquer ses gangsters - Facile ! Dans l'impossibilité de refuser, Alinor se retrouve donc embringuer dans une machination improbable. Mais lorsque la police, des amis, des chasseurs de prime et des psychopathes se mêlent de leurs affaires, tout se complique sérieusement. Le "Ki" de Mélina, l'essence du pouvoir des Maesters, les sauvera-t-il de tous les dangers ? Ou bien survivront-ils grâce aux inventions d'Alinor ? Entre humour truculent, amitié et actions rocambolesques, suivez les aventures de Vilam et Purlam au sein du monde de Cîn, sur lequel régnaient jadis les mystérieux Sorcelens...

Focus sur le livre

Comment se procurer ce livre ?

Bon de commande

...

Connexion