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Onirisme et Destruction 1

Le fleuve Innommable, garni de bulles putrides, suivait son cours noir entre les rives grises de Sans Nom. Le Crépuscule crevait la couche de pollution, des filaments plus sombres encore que la nuit, par-dessus les Monts Dantesques. Arrosés par quelques rayons rougeâtres, deux individus se déplaçaient sur la rive. Galférion Bell observait avec inquiétude son ami qui piétinait nonchalamment les galets. Brusquement, il glissa au milieu d'une frange d'algues marron et chuta sur un banc de graviers. Ses lunettes voltigèrent dans les airs et se brisèrent au pied d’un pylône électrique. Quelques éclats crépusculaires ricochèrent sur les verres désormais imbibés de saletés.

— Dênmorane ! s’exclama Galférion, atterré.

Il avait toujours l’impression que Dênmorane Malter allait se briser comme du verre. Il était si maigre qu’à son avis, la simple égratignure d’un clou pouvait l’infecter et peut-être même le tuer si on y prenait garde. Ils se connaissaient depuis trois ans, déjà, et Dênmorane Malter, toujours aussi énigmatique, n’avait pour ainsi dire que peu d’amis. Galférion avait toujours eu l’impression qu’il était un étranger au sein de Sans Nom, d’une certaine manière, le jeune homme ressentait le même sentiment de nostalgie depuis son déménagement. Les deux jeunes gens se trouvaient sur la berge Ouest du fleuve Sans Nom. Des arbres rabougris les cernaient, et la petite plage près d’eux débordait de plastiques, de verres brisés et de canettes rouillées. Un crabe tout gris se faufila dans un trou d’eau où agonisait une petite crevette et la happa de sa petite pince avec une dextérité extraordinaire.

— J’ai les jambes faibles, expliqua Dênmorane, maussade.

Ses cheveux noir filasse étaient pleins de vases et il saignait du nez. Galférion enjamba les branches d’arbres mortes éparpillées et l’aida à se relever malgré son regard furieux. Son T-shirt s’était déchiré, dévoilant une boursouflure violacée. Avant qu’il n’ait pu l’interroger sur ce détail, il lui fit lâcher prise et s’éloigna en pataugeant dans l’eau boueuse. Des bruits de succion retentirent.

— Dans moins d’un an, ces crabes et ces crevettes auront disparu. Leur écosystème sera détruit par la pollution et les travaux d’aménagement le long du fleuve, déclama-t-il en reprenant son souffle, ce que je subis n'est rien comparé à cela.

— Tu as toujours préféré les animaux aux hommes, marmonna Galférion avec un léger sourire.

Dênmorane avait son tempérament. Il méprisait ses semblables. Cependant, quelque part, il avait un grand sens de la justice. Enfin, Galférion le voyait ainsi, et puis, malgré tous ses défauts, il était son ami. L’air se rafraîchissait avec l’arrivée de la nuit. La plupart des arbres s’étaient déjà dépouillés de leurs manteaux de feuilles, en cette saison d'hiver.

— Au moins, je ne leur répugne pas, à eux. Qui plus est, ils agissent en harmonie avec la nature, au lieu de la rendre conforme à leurs désirs.

— Nous avons déjà eu cette conversation cent fois, Dênmorane. Notre nature d’être humain nous a façonnés de cette manière. De plus, nous nous protégeons. Il y a eu des morts ici, des personnes qui sont tombées à cause de ces endroits traîtres disséminés le long du fleuve, tu viens toi-même de trébucher. D’ailleurs je ferais mieux de m’éloigner avant de finir noyé.

— Pas courageux, hein ? Tiens regarde, voilà un rat mort.

Il indiqua la dépouille d’un long index livide. Du métal rouillé gisait au fond de la flaque, près du cadavre poilu, ce qui était sans doute à l’origine de sa mort. Galférion ressentit un frisson de répulsion à cette vue. Il détestait les rongeurs. Une odeur infecte de putréfaction imprégna soudain ses narines. Il ne l’avait pas détectée plus tôt à cause des exhalaisons poissonneuses du fleuve. Sans aucun dégoût apparent, Dênmorane exhiba le cadavre flasque avec gravité. Galférion se détourna de ce trophée. L’autre occupation favorite de son ami, à part l’informatique, c’était l’attrait qu’il ressentait pour le morbide.

— Tu ne devrais pas le toucher, les rats transmettent des infections, marmonna-t-il.

— Je ne vais pas le manger. Les rats possèdent une intelligence supérieure aux autres animaux. Un jour, ils deviendront nos chasseurs. C’était une femelle, elle a donné naissance avant de mourir. Ils étaient trois, si je ne m’abuse.

— Comment le sais-tu ?

— Ils ont laissé des empreintes dans la boue. J’ai suivi leurs traces jusqu’ici, en partant de la bouche d’égout. Tu ne croyais tout de même pas que j’étais venu ici pour me vautrer ?

— Tout cela est fort intéressant, déclara Galférion, sarcastique.

Il ne partageait pas la passion que Dênmorane entretenait à l’égard des rats. Ce dernier jeta la dépouille. Elle tournoya et acheva son vol ensanglanté dans les eaux visqueuses et putrides du fleuve.

— Allons-y, la nuit ne va pas tarder à tout recouvrir, lança Dênmorane en ramassant ses lunettes cassées.

Il en possédait de nombreuses paires de rechanges. Ils se mirent en route en direction de la ville aux bâtiments gris cernés d'écarlate. Ils passèrent devant un pan de mur tagué de dessins triviaux légèrement fluorescents.

— Nous sommes amis, Galférion, n’est-ce pas ?

— Bien sûr, Dênmorane.

Il y eut un court silence.

— Alors, fais-moi plaisir, affronte la réalité. Ne la fuis plus…

 

« SOUVIENS-TOI ! »

 

Sans Nom. Cette ville contemporaine, à la frontière de divers mondes, dort paisiblement dans ses propres déjections. Noirs sont les rivages du fleuve qui la parcourt. Sombres sont les volutes de fumée qui s’échappent des pots d’échappement. Les klaxons hurlent; la foule se rue dans les bouches de métro. Hommes et femmes se bousculent dans une confusion temporelle, incapables de dévier de leur trajectoire. Ils sont réglés, montres aux poignets, heures tapantes. La seconde devient primordiale; elle mène à la réussite. Qu’importe qui a l’infime malheur d’emprunter le même escalier en sens inverse. Qu’importe la lenteur effarante de cette vieille dame. Qu’importe le clochard livide aux dents pourries et sa boîte en plastique où scintillent quelques pièces couleur bronze.

J’ai encore observé cette scène, hier dans la matinée. Elle m’en a rappelé une autre similaire, que j’avais vue la semaine précédente. J’avais envie de la décrire sur ces pages; je me suis acheté ce carnet l’autre jour, avec l’intention d’y rédiger mon histoire.

Je connaissais quelqu’un qui préférait les animaux aux hommes. Il était fasciné par les rats. Il prédisait même qu’un jour, ces animaux poilus aux pupilles écarlates domineraient cette planète, Yz. Avait-il raison ? Avait-il tort ?

Je ne le saurais jamais; avec Aurore, nous avons transpercé le dernier rat mutant. Il avait la même taille qu’un être humain, et sa force rivalisait avec celle d’une voiture cylindrée lancée à pleine vitesse sur l’autoroute.

Comment ai-je pu survivre à cette horreur ?

Parce que je n’ai pas voulu mourir.

Même lorsque l’on m’a trahi, je me suis relevé. J’aurais pu rester couché sous la pluie, foudroyé par les dieux, le Destin, le Hasard ou que sais-je encore.

Remontons à l’hiver de cette année-là, soit environ six mois plus tôt. Ce soir-là, j’effrayais mon petit frère avec quelques phrases découvertes sur tous les ordinateurs de la salle informatique. Ce mystérieux message ne m’était pas destiné, et il n’avait de sens que pour la personne qu’il visait. Celle avec qui tout commença et tout se termina, d’une certaine manière; Anna. Anna Dêlange.

 

Extrait du journal de Galférion Bel, année 3045 après la découverte de l’Apocryphe « Yzvoj » (nommé aussi le Livre Inconnu) du calendrier de Sans Nom.

Songelame - science-fantasy
G.N.Paradis - inconnu

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Résumé du Livre

Lorsque Galférion Bell reçoit un étrange mail qui ne lui est pas destiné et met la main sur une mystérieuse sphère, sa vie bascule. D'anodine, elle devient peu à peu extraordinaire, ce qui n'est pas sans danger.

D'étonnants êtres venus d'ailleurs semblent avoir fait de sa planète une terrain de jeu et d'expérimentations. Réussira-t-il à démêler le vrai, du faux, la vérité du mensonge, sans sombrer dans la folie ?

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