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chapitre 1

« Ici, tout est sombre, tout est noir.

Notre compagnon est le désespoir,

Nos Cœurs n’ont aucun pouvoir.

Nous avions péri avant même de vivre. »

Un esclave inconnu en fond de cale.

Empire d’Elonéa, plaines centrales, Encela.

La cité d’Encela se gorgeait de monde à l'approche de midi. Les carillons des chaînes et les cris des esclaves s'entremêlaient aux harangues des marchands. L'avenue pavée révélait cette crasse humaine toute de velours rouge et ces désespérés vêtus de loques. Cette haie de déshonneur s'étendait jusqu'aux portes d'Encela. Les effluves du poisson pourri festoyaient avec l'odeur de la sueur, du sang et de la nourriture en pleine cuisson.

Un jeune homme se frayait un chemin entre les passants, ombre fugitive voilant la blancheur du soleil. Il s'efforçait d'être discret, même si sa taille élancée, ses cheveux blonds cendrés et ses prunelles bleu clair attiraient l'attention.

Le marché, sous la protection de la Duchesse d’Ecueille, s’ouvrait sur un dédale d'emplacements scintillants de laideur dans l’éclat matinal. Des hommes richement vêtus agitaient les chaînes de leurs larbins, tout à leur joie de les brutaliser et de sceller de nouvelles affaires. Ils montaient leur stand de bois et de fer, dès qu’ils recevaient l’autorisation de la part de la Garde Ecarlate, incluant souvent des pièces secondaires et luxueuses. Â l'intérieur, les clients examinaient la marchandise plus minutieusement, qu’elle soit humaine ou non. Des harpies et d’autres créatures ténébreuses ou plus exotiques lorgnaient d’un œil verdâtre ou rougeâtre les citadins. Par le passé, les mages avaient commis de nombreuses bévues, qui avaient donné naissance à bon nombre d’horreurs vivantes. Dans la capitale d’Elonéa, à Déséal, l’offre se diversifiait, d'après les ragots qui circulaient dans les tavernes.

Le jeune homme contourna les lieux. Il s'aventurait rarement du côté des bêtes et des élémentaires. Il s’engagea sur une voie parallèle à la grande Avenue, pensant à tort ou à raison être moins remarqué. On trouvait dans cette partie d’Encela des boutiques d’utilité publique. Ainsi, il effleura de ses vêtements défraichis une boulangerie d’où s’exhalait un effluve du pain croustillant.

Inoëm s’arrêta ; ses chaussures tailladées se figèrent dans un bourbier peu ragoûtant. Contrairement à d’autres cités, le tout aux fleuves n’était pas de rigueur ici, sauf dans les quartiers riches, où les riverains avaient le pouvoir de payer l'entretien des égouts. En Inoëm Valmort se confrontèrent la répugnance et la faim. Que ne donnerait-il pas pour avoir l’un de ses magnifiques pains ? Il posa ses doigts fins et sales sur la vitrine glaciale. L’intérieur semblait chaleureux, accueillant… Inoëm baissa la tête d’un air affligé et reprit sa route. Il avait trop tardé. Ses pas le menèrent au cœur d’une ruelle chatoyante de ténèbres. Il aurait bien aimé vivre dans l’une de ses vieilles bicoques défoncées qui s’alignaient de part et d’autre des immeubles de pierres aux arcades noircies.

Depuis que sa tante avait péri, le jeune homme évoluait dans une misère indescriptible. Les huissiers de la Duchesse d’Ecueille avaient saisi sa maison alors qu’il était censé en être l’héritier légal. Malheureusement, le testament avait disparu la veille des funérailles, ainsi que les titres de propriété.

Son poing se serra sur son pendentif en forme de Lys. C’était un des trésors de son ancienne vie ; en plus de trois misérables demi-Desangs, la monnaie de l’empereur. Il les sentait à peine au fond de sa poche. Le travail honnête n'existait guère ici. On exploitait les jeunes gens de son âge, orphelins ou sans soutien, une main d’œuvre très rentable, de la même manière que les esclaves. Inoëm envisageait de tenter sa chance dans la campagne environnante. Travailler la terre était usant, mais on y gagnait sa pitance la plus importante, la nourriture.

— Tiens, tiens… Voilà ce cher Inoëm Valmort…

Le jeune homme s’arrêta net à l’embranchement de deux ruelles complètement vides. Ses divagations l'avaient conduit sur un territoire dangereux. Il connaissait cette voix. C’était l’un des nombreux voleurs qui peuplaient les rues d’Encela : Ted Harkin. Il s’était associé avec d’autres jeunes individus de son acabit. Depuis, lui et sa bande comblaient les manques dans les caisses des différents nobles de la cité. L’argent facile devenait rare de nos jours, à cause de l’avancée technologique d’Ecclésia qui raflait tous les marchés et des produits exotiques de l’archipel d’Eli vendus à bas prix. Les négociants les plus rusés et roublards d'Elonéa concurrençaient peu ces deux nations. Ainsi, ils étendaient leur suprématie par des moyens illégaux, en engageant de petites mains sales. Ted en était le parfait représentant, orgueilleux, mesquin et très bon hypocrite.

Inoëm le dévisagea avec humeur.

Des cheveux noirs tombaient en masse sur son visage, obscurcissant un peu plus ses yeux de corbeaux avides. Un rictus mauvais tordait ses lèvres minces. Deux garçons plus vieux qu’Inoëm l’accompagnaient. Ted allait sur ses vingt-cinq ans à peine et il était déjà l’un des malfaiteurs les plus connus des bas fonds d’Encela. Il accomplissait très bien les basses œuvres des puissants.

— On fait moins le fier, maintenant qu’on est dans la rue ! s’exclama-t-il avec cruauté. Tu n’as plus ta satanée tante pour te protéger à présent… Attrapez-le ! 

Inoëm détala dans une rue transversale en direction des portes nord. Sa tante n’était pas femme à se laisser délester de ses affaires sans combattre, aussi avait-elle plus d’une fois rossé Ted et sa bande. Le jeune homme avait la gorge sèche et les oreilles bourdonnantes ; il n’avait rien bu ni mangé depuis deux jours. Sa respiration se précipitait entre ses lèvres gercées à mesure que son manteau en lambeaux valsait au vent.

Les citadins s’écartaient à l’approche des voleurs, n’ignorant sans doute pas qui ils étaient. D'autres détournaient les yeux du spectacle comme des animaux traqués d'une bande de chasseurs. Personne ne daignait lever son index en guise de protestation, de peur de recevoir un poignard dans la gorge.

Inoëm les comprenait : il connaissait le goût de la peur, le tremblement de la colère, la trahison de l’impuissance et la perfidie de l’hésitation depuis son plus jeune âge. Sa tante Mireille l’avait sauvé d’une mort atroce lorsqu’il était à peine en âge de savoir lire. Sous la férule divine de l’empereur, les bévues assassines s'amoncelaient comme du bétail dans un abattoir. Pourtant, il régnait depuis des décennies, personne ne semblait en mesure de jeter à terre sa suprématie.

Derrière lui, des cris de ralliement retentissaient. Les larbins de Ted se regroupaient pour l’assaut final tel des corbeaux attirés par un objet brillant. Les portes de la cité n'étaient plus très loin. Il avait bon espoir de quitter les lieux.

Les gardes aux armures rouges lui barrèrent la route, allant même jusqu’à repousser un marchand. Indigné, le commerçant rouspéta, puis se tut face à Ted Harkin et dix de ses lascars. Inoëm serra les poings, prêt à les emporter avec lui dans la tombe.

Ted ne livrait jamais de batailles inutiles. En arrivant près de lui, il eut un rictus complaisant et adressa un signe aux gardes. Ces félons abattirent le côté plat de leur lance dans le dos du jeune homme. Inoëm cria de douleur, en tombant à genoux. Exaltés par le pouvoir de leur chef, les larbins de Ted le rossèrent. Inoëm, déjà à terre, n'eut aucune chance. Un mauvais coup à l’arrière du crâne le plongea dans les ténèbres.

Les protecteurs d'Andalénia : Valmort (prélude à la suite) - fantasy
G.N.Paradis - inconnu

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Résumé du Livre

La suite des aventures de Tristan Vivlar et de ses alliés au sein du monde d'Andalénia...

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